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Divagaisons

"Gloire à vous, gens de lettres."

Madame EUGÈNE (Fleuriste funéraire), Harangue proférée un 1er avril sur la tombe retrouvée de Johannes Gutenberg

• Alphonse de LAMARTINE, Le Jack

Esquisses et premiers Jets


Un fatal événement, semble-t-il, est à l’origine de ce brûlot, dont l’auteur pourrait être en vérité l’étrange Madame X évoquée au chapitre du Romantisme. Cette femme omnisciente aurait-elle ressenti les fureurs sataniques mieux que quiconque au siècle où la jeunesse idolâtrait les djinns et les jacks ?

 

Ainsi, toujours chassés, tels des Anthropophages,
Jusqu’au bout de la nuit éjectés sans détour,
Ne pourrons-nous jamais trouver des sarcophages
Pour y dormir un jour ?

Ô Jack, l’allée nous mène ailleurs qu’au cimetière,
Et le tombeau chéri qu’on devait recevoir,
Regarde, il est détruit ! C’est un tas de poussière
Qui n’a plus rien à voir.

Le sang coulait jadis dans nos gorges immondes.
Jadis on adorait tous ces corps démembrés.
Jadis l’air s’emplissait d’odeurs nauséabondes.
Ils étaient dévorés !

Un soir, tu t’en souviens, on traversait la France.
On se sentait tout frais quand on était si vieux
Que nos os qui grinçaient déchiraient le silence
Comme des chats furieux.

Tout à coup, un gosier quasiment légendaire
Balança jusqu’aux nues d’effrayants trémolos.
Le ciel tendit l’oreille et ta voix de faussaire
Éructa ces sanglots :

« Ô temps, arrête un peu de faire des caprices !
Viens à notre secours !
Nous avons tellement besoin de tes services,
Nous qui vivons toujours !

Assez de miséreux prétendent qu’ils t’adorent
Quand tu traînes pour eux.
Cesse donc de courir ! Entends-les qui t’implorent.
Retiens-les, si tu peux.

Mais j’ai beau réclamer, le temps passe et m’ignore !
Chaque jour, chaque nuit,
Je lui dis : Qu’attends-tu ? Mange-moi, carnivore !
Il rigole et s’enfuit.

Saignons donc, saignons donc la charogne chétive
De ceux que nous suçons.
Les gens se moquent bien de ce qui nous arrive.
Saignons-les sans façons ! »

Temps voyou, convient-il que nous restions sans cesse
En vie aussi longtemps qu’un faraud de chasseur
Ne s’est pas avisé d’illustrer son adresse
En nous perçant le cœur ?

Quoi, faut-il que de nous jamais rien ne s’efface ?
Quoi, vivants pour toujours ? Quoi, jamais disparus ?
Et toujours condamnés à téter la carcasse
De ceux qui ne sont plus ?

Obscurité, silence, affres, trépas sublimes,
Qui sont tous ces défunts dont vous vous amusez ?
Ont-ils tant mérité les délices ultimes
Que vous nous refusez ?

Ô Jack, es-tu muet ? Montre-moi ta figure !
Toi que le temps dédaigne et qui ne peux mourir,
Dis mieux que ce soir-là, dis la senteur impure
De ce qui doit pourrir.

Puis dressons un bûcher de quatre mille étages,
Beau Jack, et grimpons-y, n’en déplaise aux corbeaux.
Mille voix s’écrieront : Pour des Anthropophages,
Voyez comme ils sont beaux !

Que ces acclamations exaltant notre race
Montent vers la fournaise où nous serons jetés !
Les flammes, effaçant de nous la moindre trace,
Nous auront enchantés.

Que la tempête alors, que le ciel en délire,
Que l’univers entièrement enthousiasmé,
Que tout ce qui nous plaint se réjouisse et soupire :
Enfin, ils ont cramé !






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