• Gérard de NERVAL, El Extrapoleo

Dire que Gérard de Nerval ne pratiquait pas couramment la langue de Cervantès, ce serait peu ou mal dire. Tel vocable approximatif a pu cependant, un jour ou l'autre, éveiller en son âme fantasque telle créature surprenante, à l'instar de ce déniché fabuleux qu'il fait discourir ici en des termes bien émouvants. Momie exhumée par un égyptologue impudent ? Voyageur extraterrestre inconfortablement échoué dans notre monde sublunaire ? On peut toujours choisir...

Je suis le monstrueux, l'hyperextrapolé,
Le fort de la bedaine au contour d'otarie ;
Ma bouche autour de moi, dans l'air coagulé,
Diffuse des relents de carcasse équarrie.

Dans le fond d'un caveau, toi qui m'as déniché,
Laisse-moi fuir le jour, l'eau claire et la prairie ;
L'ozène convient mieux à mon teint d'écorché,
Et le gaz exhalé par la fange pourrie.

Viens-je de Mars, ou bien de Mercure ou Pluton ?
Mon souffle pue autant que si j'étais murène ;
J'ai toujours eu l'aspect d'un curieux phénomène...

Et j'ai, cent fois déjà chantant le mirliton,
Fait trembler aussi bien, par ma voix étoupée,
La matrone chenue et la jeune poupée.