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Émile GOUDEAU, Mystica-Reale

Ciels-de-lit, Poèmes ironiques, 1884



I


Ton dieu n'est pas le mien ! Ton Christ me désespère
Avec ses blonds cheveux sanglants !
J'aime mieux le Soleil et Bacchus notre père,
Et Vénus aux robustes flancs.
Mais n'importe ! j'irai vers quelque cathédrale —
À l'heure où la Lune du soir
Verse par les vitraux une lueur spectrale —
Avec toi dans la nef m'asseoir.
Et des femmes en deuil arriveront voilées
Vers les noirs confessionnaux,
Et les enfants de chœur, par larges envolées,
Passeront comme des moineaux ;
L'encens parfumera la lumière des cierges :
Aux sons d'un orgue gémissant,
Je verrai se courber les femmes et les vierges,
Dans un cambrement indécent.
Peut-être évoquerai-je un instant mon enfance
Et tout ce qu'autrefois j'aimai ;
Mais le mystique Amour, me trouvant sans défense,
M'aura bien vite désarmé.
Moi, sceptique, j'aurai pour vous la morne extase
Du plus hystérique béat.
Allons donc vers ce temple à l'heure où la nuit gaze
L'Angelus et l'Alleluia.

II

Mais puisque j'ai cédé, mignonne, à ton caprice
En refoulant les vieux parvis,
Où le Dies Irae terriblement hérisse
Les cheveux des dévôts ravis,
Viens ! ton lit entr'ouvert appelle le blasphème
Et la païenne impiété.
Viens, Mystica-Reale, avec moi, viens, je t'aime,
Dans ta chair belle de santé.
Oublions le remords et clouons bouche à bouche
D'angéliques baisers impurs ;
Tes seins marmoréens et ta hanche farouche
Pour la jouissance sont mûrs ;
L'encens des jeunes clercs t'a mis du vague à l'âme :
J'en prends un goût de Séraphin ;
Sur la couche réelle où tu redeviens femme
Je veux m'extasier sans fin.




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