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Maurice MAC NAB, Autour d'un fiacre

Monologues en prose, Poèmes mobiles, 1890



Un fiacre passait sur la place du Carrousel.

Une bonne vieille y passait aussi. C’était son droit !

Personne ne contestera ce droit !

Le fiacre était noir et jaune ; il y avait écrit dessus : Camille.

Il peut arriver à tout le monde de s’appeler Camille !

Le cocher avait un ruban jaune à son chapeau, des passepoils jaunes, un gilet jaune, des cheveux jaunes !

On a un uniforme ou on n’en a pas !

Le cheval aussi était jaune, de sa couleur naturelle. On ne lui en fera pas un crime. Et puis, vous savez, des goûts et des couleurs...

La bonne vieille avait le teint jaune ; mais le teint ne fait rien à l’affaire !

Elle était sourde, c’est vrai ; mais un bon cœur fait pardonner bien des défauts  !

Bref, les choses en étaient là quand le cheval se mit à trotter. (Tout arrive ici-bas !)

Sur la place, il n’y avait que le fiacre et la bonne vieille. Or cette place a cent trente-trois mètres en long et quatre-vingt-douze en large. Ce n’était pas l’espace qui manquait : on ne dira pas le contraire. (Je voudrais bien voir qu’on dise le contraire !)

Et, pourtant, le fiacre a écrasé la bonne vieille.

Après tout, me direz-vous, une femme de plus ou de moins ! ... Je ne dis pas, mais cela n’en était pas moins fort désagréable pour le cocher !

Ça pouvait lui faire du tort !

Enfin, on lui a pardonné pour cette fois.

Du reste, à quoi bon le punir ?

S’il a écrasé une femme, est-ce une raison pour lui enlever son gagne-pain ?

Il faut bien que tout le monde vive ! ...




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