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Marcel BÉALU, La Bête

Le Dormeur debout, Mémoires de l'ombre, 1959



Toujours pelotonnée contre moi, une espèce de grosse bête vivait de ma chaleur. Sa peau avait le duveté soyeux de la chair humaine. Lorsqu’elle étirait ses membres, m’enserrant de partout, je me plaisais dans son odeur qui m’enveloppait avec eux. Le plus souvent elle restait accolée à mon flanc, comme une de mes propres côtes. Parfois aussi elle atteignait mon dos, en rampant, pour s’y tapir. Il me semblait alors être assis dans son creux. Mais cette impression agréable se serait transformée, à la longue, et j’aurais fini par éprouver la gêne de son poids contre mes reins si, par un complet renversement, elle n’avait su opportunément me causer un soulagement immédiat en se glissant habilement jusqu’entre mes jambes. Il arrivait qu’elle se fît aérienne, pesant doucement d’une de ses extrémités sur ma nuque. Alors je la percevais à peine, mais je la savais là pour son contentement et le mien. Quand elle me quittait – à de rares moments – son absence était comme un robinet d’eau glacée coulant sans arrêt sous mon épiderme. Affolé je fuyais, à travers des nuits pleines de signaux étranges, à travers des jours incompréhensibles. Toujours, à l’instant que je m’y attendais le moins, elle revenait. Brusquement je la sentais de retour, pelotonnée sous mon aisselle. Et je ne pouvais retenir une larme de bonheur.




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