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Marcel BÉALU, Le Double

Théâtre souterrain, Mémoires de l'ombre, 1959



À force de le chercher, j'avais fini par rencontrer mon double. Quel étonnement chaque jour redoublé ce fut de me reconnaître en lui ! Mais très tôt m'apparut moins absolue la ressemblance. Nos caractères différaient sensiblement. Seul le contact des autres me procurait l'excitation nécessaire à la vie tandis que lui ne trouvait son exaltation que dans la solitude. Il savait vaincre ses appétits et j'étais toujours sans combat la proie des miens. En somme, plus qu'une fade réplique de ma personne il en était l'image sublimée. Aussi rêvai-je, dès cette constatation, de le prendre pour modèle. Mais je me lassai vite de ses conseils, de ses reproches, tous mes efforts n'aboutissant qu'à une grossière caricature. Sa présence, de ce fait, me devenait humiliation continuelle et je pris le parti d'aller seul dans le monde. Il me suffisait de flatter ses tendances morbides à la claustration. Pourtant, je m'étais habitué à son bavardage et il m'advint encore, en ce temps-là, de le rejoindre, très tard le soir ou parfois avant l'aube, dans la pièce secrète où je le séquestrais. Mais il me fallait passer par tant de couloirs et d'escaliers obscurs que je renonçai à ces visites même. D'ailleurs ses discours édifiants me devenaient insupportables et je n'aspirais plus qu'à retrouver ma complète indépendance. S'il m'arriva, dès lors, de songer encore à sa solitude et à son orgueil, ce ne fut jamais sans souhaiter bassement qu'il en crève.




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