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Marie-Catherine DESJARDINS
Le Sansonnet et le Coucou

Fables ou Histoires allégoriques dédiées au roy, 1670



Un Sansonnet, jargonneur signalé,
De captif qu'il était devenu volontaire,
De désirs amoureux se trouva régalé.
C'est de l'indépendance une suite ordinaire.
Il dresse son petit grabat
Dans un buisson de noble-épine.
Un Coucou, fameux scélérat,
Qui, comme chacun sait, ne vit que de rapine,
Qui va de nid en nid, croquant les œufs d'autrui
Et les remplissant d'œufs de lui,
Au nid du Sansonnet traduisit son lignage.
Notre ami Jargonneur ignorait cet usage ;
Il fut dès sa jeunesse élevé parmi nous,
Et vivait, par hasard, en honnête ménage,
Où l'on ne parlait point des ruses des Coucous.
« Frère le Rossignol, disait-il en lui-même,
Couvant les nouveaux œufs avec un soin extrême,
Vous vous vantez d'être le Roi des bois.
Mais si jamais ma famille est éclose,
Ha ! foi de Sansonnet, c'est bien à cette fois
Que vous aurez la gorge close.
Dans votre art de rossignoler,
Vous donnez des leçons à tout ce que nous sommes ;
Mais mes petits sauront parler
Comme parlent Messieurs les hommes. »
Ces petits longtemps attendus,
Et de tout malheur défendus,
Il plut à l'Éternel de donner la lumière
À nos Sansonnets prétendus.
Maître Oiseleur, d'espèce singulière,
Se promet d'exercer son métier doctement.
Le plumage coucou blessait un peu sa vue,
Mais il espérait en la mue.
Les pères, comme on sait, se flattent aisément.
Le voilà donc tenant école de ramage.
Il n'est dictons ni quolibets
Qu'apprennent tels oiseaux en cage
Qu'il ne siffle aux Coucous réputés Sansonnets.
« Parlez, leur disait-il, parlez l'humain langage,
C'est le plus éloquent de tous. »
Coucou, répondent les Coucous.
Il n'en peut tirer autre chose.
Quoiqu'il entonne ou qu'il propose,
Coucous ne disent que coucou.
Le Sansonnet pensa devenir fou.
« Depuis quand, disait-il, cette métamorphose ?
Comment œufs de coucou sont-ils sortis de moi ?
Du temps que j'augmentai l'espèce volatile
Tout oiseau n'engendrait qu'oiseau semblable à soi ;
C'est depuis que j'habite en humaine famille
Que la nature a fait cette nouvelle loi.
Mais quoi, reprenait-il, dans cette loi nouvelle,
La nature se trompe et n'est plus naturelle.
Pourquoi, moi sansonnet, engendrer des coucous ?
Pourquoi couver des œufs que ne sont point à nous ?
Pourquoi ? ... » Sans doute il eût poussé loin le murmure ;
Mais un Milan passant par là  :
« Quoi, lui dit-il, ce n'est que pour cela
Que tu vas de POURQUOI fatiguant la nature ?
Hé  ! mon ami, ton mal est devenu commun.
Parmi les Animaux, je n'en connais aucun
Qui ne puisse s'attendre à pareille aventure. »




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