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Georges de SCUDÉRY, Actéon dévoré par ses chiens

Le Cabinet de Mr de Scudéry, 1646



De la main du Carache

Que cette forêt est sombre !
L'œil qui la va regardant
Voit que le Soleil ardent
A peine à percer son ombre :
Là-dessous à flots d'argent,
Et d'un cours peu diligent,
Dort une claire fontaine
Qui, dedans son lit natal,
Fait voir toute son arène
Comme à travers du cristal.

Alentour de cette source,
Qu'environnent des palmiers,
L'on voit dormir des limiers
Lassés d'une longue course.
Sur les branches de ces Bois,
L'on voit pendre des carquois,
Des Arcs, des Trompes, des Toiles,
Et l'on découvre en tous lieux
Des habillements, des voiles,
Des brodequins, des épieux.

Sous ces ombres inconnues
Aux Bergers de ce vallon,
On voit la sœur d'Apollon
Et ses Nymphes toutes nues :
Dans la peur qui les confond,
Elles se mettent en rond ;
Toute leur Troupe se presse ;
Et quoique l'honneur soit cher,
Elles cachent leur Maîtresse
Plutôt que de se cacher.

Au milieu paraît Diane
Comme ayant plus de grandeur ;
Son teint marque sa pudeur,
Et l'audace d'un profane.
La fierté brille en ses yeux ;
Elle est belle comme aux Cieux
Paraît belle une Comète :
Ô téméraire Chasseur,
Quoi que l'orgueil te promette,
Elle est pour toi sans douceur !

En effet elle est vengée ;
Il a ce qu'il méritait ;
Il n'est plus ce qu'il était ;
Et sa figure est changée :
Que ce changement est prompt !
Un bois s'élève en son front,
De poil son corps se hérisse ;
Il n'est plus homme aujourd'hui ;
Et le Cerf de Cyparisse
N'était pas plus Cerf que lui.

Il brame, il frémit, il tremble,
Il paraît faible et peureux ;
Et près de ce malheureux,
Toute la meute s'assemble :
Un chien l'a pris par le flanc ;
L'autre fait jaillir le sang
De sa gorge déchirée ;
Il cesse d'être, il périt ;
Et ces cruels font curée
De celui qui les nourrit.

Ô singe de la Nature,
Ton Art, savant comme il est,
Fait que le meurtre nous plaît,
Dans cette rare Peinture !
Mais, Peintre, par tes couleurs,
Tu fais qu'un torrent de pleurs
S'épand sur notre visage ;
Et sans doute à cette fois
Nous en versons davantage
Que ton Cerf mis aux abois.




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