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Antoine de BERTIN, À une Femme que je ne nommerai point

Œuvres complètes de Bertin, Tome second, 1818



Non, non, Madame, en vérité,
J'ai bien juré de ne pas l'être :
Moi, votre amant ! l'aveu, peut-être,
Surprendra par sa nouveauté ;
Mais je l'ai dit : en vérité,
J'ai bien juré de ne pas l'être.

Je sais qu'en vous on trouvera
Ce qui peut fixer la tendresse ;
Beauté, talents, esprit, jeunesse,
Taille et minois d'une déesse,
Jambe élégante, ET CÆTERA ;
Mais, Madame, malgré cela,
Vous ne serez point ma maîtresse.

Votre époux m'arrête aujourd'hui ;
Et s'il faut vous ouvrir mon âme,
Je périrais cent fois d'ennui
De le voir protéger ma flamme,
Et d'être, en lui soufflant sa femme,
Encor remercié par lui.

Que cet homme me désespère !
Il n'est soupçonneux ni jaloux !
Monsieur, toujours paisible et doux,
Me verrait, je crois , sans colère...
Moi, Madame, en sachant vous plaire,
Je veux déplaire à votre époux.

Je veux, pour vous trouver plus belle,
Et mes plaisirs cent fois plus courts,
Que sa jalousie éternelle
Se plaise à troubler nos amours ;
Et que, pour mieux triompher d'elle,
Un nouveau danger, tous les jours,
M'inspire une ruse nouvelle.

Faut-il aller au rendez-vous :
Palpitant d'amour et de rage,
D'espoir, de crainte et de courroux,
J'aime à trouver sur mon passage
Un large Suisse et deux verroux.
Alors que les faveurs sont chères !
Que les caresses ont de prix !
Et dans ces amoureux mystères
Si, par malheur, j'étais surpris :
Quand Vulcain venait à paraître,
On sait que des bras de Vénus,
Mars, en chemise et les pieds nus,
Sautait gaîment par la fenêtre.




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