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Antoine de BERTIN, À Monsieur l'Abbé Delille

Sur un voyage qu'il projetait de faire en Italie, 1777



Tu les verras, ces superbes remparts,
Trône immortel de l'antique Ausonie,
Ce ciel heureux propice à l'harmonie,
Au goût des vers, aux talents, aux beaux-arts,
Ces monuments et ces marbres épars,
Où des Romains respire le génie,
Et la grandeur du second des Césars !

J'admire sur tes pas ces ruines fatales,
Ces temples écroulés, ces combles entrouverts,
Ce théâtre où Mécène eût applaudi tes vers,
Et du fier Agrippa les voûtes triomphales.
Là, Brutus, au sénat, poignardait un tyran ;
Là, respirait Titus, l'amour de l'Italie ;
Là, Jupiter tonnait au Vatican ;
Là, fut surpris Ovide avec Julie.
Volons au champ de Mars, au cirque plus vanté ;
Volons aux jeux guerriers inventés dans la Grèce :
Je vois une ardente jeunesse,
Qu'indigne son oisiveté,
Presser les flancs poudreux d'un coursier indompté,
Déployer, en luttant, sa nerveuse souplesse,
Et disputer, aux yeux d'une fière maîtresse,
Le prix de la valeur, et non de la beauté.
Oh ! que ne suis-je assis au bois de Lucrétile,
Au fond de ces jardins au profane inconnus,
Où ta muse autrefois, sous les traits de Virgile
Dans ses vers si touchants, pure, simple et facile,
Fit couler tant de pleurs au nom de Marcellus !
Cascades de Tibur, ombrages d'Albunée,
Qui vous voit, malgré lui, doit chanter ses amours !
Dans votre enceinte fortunée,
On dit qu'au déclin des beaux jours
L'ombre d'Horace, encor de roses couronnée,
Suit toujours Lalagé qui s'échappe toujours.




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