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Émile BLÉMONT, Les Colombes

Les Beaux rêves, 1909



Christine aux doigts fins coud la toile
Et sert chez le roi libertin ;
Elle est belle comme une étoile,
Comme l'étoile du matin.

"Écoute, petite Christine !
Dit le roi, le désir aux yeux.
Donne-moi ta fraîche églantine
Et prends ce collier précieux.

"— Monseigneur, sied-il que je prenne
Un joyau de cette valeur ?
Gardez le collier pour la reine
Et laissez-moi mon humble fleur.

"— Ma petite Christine, écoute !
Un seul instant, viens dans mes bras ;
Et je t'offre, quoi qu'il m'en coûte,
Le château que tu choisiras.

"— Un seul instant parfois entraîne
De bien longs regrets, monseigneur ;
Le plus beau château de la reine
Serait un château de douleur.

"— Christine, écoute, ma petite,
Et ne dis plus non ! Sois à moi.
Viens, que te faut-il ? Réponds vite.
Veux-tu ma couronne de roi ?

"— Oh ! votre couronne sacrée
Ne saurait me porter bonheur.
Que la reine en reste parée !
Ma couronne, à moi, c'est l'honneur.

"— Tu périras, si tu résistes ;
Crains la tonne aux pointes de fer !
"— Sire, les anges seront tristes,
Mais le ciel confondra l'enfer."

Rien n'a terni cette âme pure,
Ni la vanité ni l'effroi.
Le roi la livre à la torture.
"Exécutez-la !" dit le roi.

Ils ont mis la blanche victime
Dans la tonne où sont les grands clous,
Et l'ont fait rouler à l'abîme
Sans plus de pitié que des loups.

Mais vers Christine sont venues
Deux colombes sous le ciel d'or ;
Il en vint deux, puis vers les nues
On en vit trois prendre l'essor.




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