Revoir la page d'ouverture
Revenir aux Anthologismes 


Voir le
Catalogue



Jean-Baptiste Willart de GRÉCOURT, La Bouteille d'eau

Œuvres complètes de Grécourt, Tome Quatrième, 1802



Il est un mari si jaloux
Qu'il ferme la nuit les verrous,
Met les clefs de sa chambre en poche
Et, comme la fenêtre est proche
D'où pourrait naître un rendez-vous,
D'une main sa femme il accroche,
Et de son pied fait une croche
Qui la retient par les genoux.
Ainsi ne craignant nulle approche,
Ni l'art des amoureux filous,
Alors un sommeil prompt et doux
Le rend stable comme une roche.
Je crois que chacun pense bien
Que jeune épouse ainsi gênée
Aimerait mieux être damnée
Que de ne pas trouver moyen
De faire niche à l'hyménée
Et de contenter l'ami sien.
"Dans l'angle obscur de ma ruelle,
Tiens-toi bien caché, lui dit-elle.
Profondément mon mari dort ;
Bientôt après, cher sentinelle,
Nous jouirons d'un heureux sort :
Compte sur moi, je m'en fais fort."
L'amant se tapit à merveille.
Il avait la puce à l'oreille,
Et n'imaginait pas comment
On pourrait finir son tourment ;
Mais une ruse sans pareille
Lui donne l'éclaircissement.
D'eau simple une pleine bouteille
Sous son chevet subtilement
Étant cachée, elle réveille
Son mari qui dormait gaiement,
Disant : "La peste les assomme !
Ils n'ont point mis de mon côté...
— Quoi ? — Le pot de commodité.
Donne-moi le tien, mon bonhomme."
Le pot pris au bas de son lit,
Défaite de sa double entrave,
La belle aussitôt descendit
Et tourna la croupe à son brave.
Il saisit l'heure du berger,
Et, l'amour voilant le danger,
On mit en train le sacrifice
Pendant lequel l'adroit flacon,
Qu'elle épanchait à l'unisson,
Faisait dans le pot son office ;
Si bien que notre pauvre époux
Allait s'endormir aux glouglous
De l'onde dans le pot bruyante.
Mais enfin il s'impatiente :
"Est-ce qu'on pisse à si long trait ?
— Excuse, j'en mourais d'envie...
Encore un moment, je te prie...
Oh ! pour ce coup-là tout est fait."




Laisser un Commentaire

Pseudo

Email


Voir tous les Commentaires














© Gabkal.Com