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Jean-Baptiste Willart de GRÉCOURT, La Mule du Pape

Œuvres complètes de Grécourt, Tome Quatrième, 1802



Frères très chers, on lit en S.Mathieu
Qu'un jour le diable emporta le bon Dieu
Sur la montagne, et là lui dit : "Beau sire,
Vois-tu ces mers, vois-tu ce vaste empire,
Ce nouveau monde inconnu jusqu'ici,
Rome la grande et sa magnificence ?
Je te ferai maître de tout ceci
Si tu veux me faire la révérence."
Lors le Seigneur, ayant un peu rêvé,
Dit au démon que, quoique en apparence
Avantageux le marché fût trouvé,
Il ne pouvait le faire en conscience,
Qu'étant trop riche on fait mal son salut.
Un temps après, notre ami Belzébut
S'en fut à Rome. Or c'était l'heureux âge
Où Rome était fourmilière d'élus.
Le pape était un pauvre personnage,
Pasteur de gens, évêque, et rien de plus.
L'esprit malin s'en va droit au Saint-Père,
Dans son taudis l'aborde et lui dit : "Frère,
Si tu voulais tâter de la grandeur ?...
— Si j'en voudrais ? oui, parbleu, monseigneur !"
Marché fut fait : or voilà mon pontife
Aux pieds du diable, et lui baisant la griffe.
Le farfadet, d'un air de sénateur,
Lui met au chef une triple couronne.
"Prenez, dit-il, ce que Satan vous donne ;
Servez-le bien, vous aurez sa faveur."
Or Papegeais, voilà l'unique source
De tous vos biens, comme savez ; et pour ce
Que le saint Père avait en ce tracas
Baisé l'ergot de messer Satanas,
Ce fut depuis chose à Rome ordinaire
Que l'on baisât la mule du Saint-Père.

Que s'il avient que ces petits vers-ci
Passent ès mains de quelque galant homme,
C'est bien raison qu'il ait quelque souci
De les cacher, s'il fait voyage à Rome.




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