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Pétrus BOREL, Doléance

Rapsodies, 1868




À Francisque Borel

Mœrore conficior.
RUDIMENT

Son joyeux, importun, d’un clavecin sonore,
Parle, que me veux-tu ?
Viens-tu, dans mon grenier, pour insulter encore
À ce cœur abattu ?
Son joyeux, ne viens plus ; verse à d’autres l’ivresse ;
Leur vie est un festin
Que je n’ai point troublé ; tu troubles ma détresse,
Mon râle clandestin !

Indiscret, d’où viens-tu ? Sans doute une main blanche,
Un beau doigt prisonnier
Dans de riches joyaux a frappé sur ton anche
D’ivoire et d’ébénier.
Accompagnerais-tu d’une enfant angélique
La timide leçon ?
Si le rhythme est bien sombre et l’air mélancolique,
Trahis-moi sa chanson.

Non : j’entends les pas sourds d’une foule ameutée,
Dans un salon étroit
Elle vogue en tournant par la valse exaltée
Ébranlant mur et toit.
Au dehors bruits confus, cris, chevaux qui hennissent,
Fleurs, esclaves, flambeaux.
Le riche épand sa joie, et les pauvres gémissent,
Honteux sous leurs lambeaux !

Autour de moi ce n’est que palais, joie immonde,
Biens, somptueuses nuits.
Avenir, gloire, honneurs : au milieu de ce monde
Pauvre et souffrant je suis,
Comme entouré des grands, du roi, du saint office,
Sur le quémadero,
Tous en pompe assemblés pour humer un supplice,
Un juif au brazero !

Car tout m’accable enfin ; néant, misère, envie
Vont morcelant mes jours !
Mes amours brochaient d’or le crêpe de ma vie ;
Désormais plus d’amours.
Pauvre fille ! C’est moi qui t’avais entraînée
Au sentier de douleur ;
Mais d’un poison plus fort avant qu’il t’ait fanée
Tu tuas le malheur !

Eh ! Moi, plus qu’un enfant, capon, flasque, gavache,
De ce fer acéré
Je ne déchire pas avec ce bras trop lâche
Mon poitrail ulcéré !
Je rumine mes maux : son ombre est poursuivie
D’un geindre coutumier.
Qui donc me rend si veule et m’enchaîne à la vie ?...
Pauvre Job au fumier !




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