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Gérard D'HOUVILLE, Allégorie

Petits poèmes (La Revue des Deux Mondes, tome XLII, novembre 1917)



On m'a dit qu'Apollon, tout pareil à l'aurore,
De ses jeux enflammés effrayant les forêts,
Riait, lorsqu'il jonchait les fleurs multicolores,
D'oiseaux resplendissants transpercés par ses traits ;

Mais, qu'ayant vu Daphné qui jouait sur la mousse,
Il jeta loin de lui son arc et son carquois
Et courant vers la femme inaccessible et douce,
La poursuivit longtemps dans la torpeur des bois.

On m'a dit que Daphné, haletante et hautaine,
Plutôt que de céder au chasseur furieux,
Se laissa transformer au bord de la fontaine
En cet arbre chéri des héros et des dieux.

On m'a dit qu'Apollon, désespéré, dans l'ombre,
Et sentant sa splendeur morte avec son désir,
Jusqu'au matin nouveau pleura sous l'arbre sombre
La vivante beauté qu'il n'avait pu saisir...

Mais toi, homme d'un jour, tu dois vaincre la vie !
Qu'importe qu'un beau chant célèbre au fond du soir
La chimère à jamais vainement poursuivie ?
Sois plutôt sacrilège : abats le laurier noir.

Va ! blesse, s'il le faut, l'habitante sacrée,
La captive invisible emmêlée aux rameaux ;
Comprends que chaque coup qui l'atteint, la recrée,
Pendant qu'elle se tord sous l'écorce des mots.

Saccage, arrache, romps ! Que toute la Hellade
Retentisse du cri de ton heurt forcené
Et puis, ivre d'avoir délivré la dryade,
Dors, plus heureux qu'un dieu, sur le cœur de Daphné.




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