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Louisa SIEFERT, JalousieRayons perdus, 1869
I.
Ah ! toi, l’indifférent, tu souffres à ton tour : L’angoisse t’a mordu, les peines sont venues ; Tu trembles et tu crains en attendant le jour, Et la nuit te remplit de terreurs inconnues. J’ai vu luire en tes yeux, par un brusque retour, Des larmes, jusque-là vainement retenues ; Et toi, qui ris de tout, toi, qui ris de l’amour, Pour sonder l’avenir tu regardes les nues. Tout n’est donc pas mensonge en nos maux ici-bas, Que tu subis aussi, toi, dont le cœur la nie, De la loi de douleur la sanglante ironie ? Et tu peux donc aimer, toi, qui ne m’aimes pas ? Mais quel déchirement qu’une telle pensée, Dans ma blessure encor, quelle épine enfoncée ! II
Oh ! ce sonnet me pèse à l’égal d’un remord ! Que je m’occupe ou non, que je veille ou je rêve, Ce souvenir ne peut me laisser paix ni trêve, Car pour moi chaque vers est un serpent qui mord. L’épreuve est salutaire alors qu’elle rend fort Et d’un souffle puissant jusqu’au ciel nous enlève, Mais tout ressentiment transperce comme un glaive, Et ces angoisses-là sont angoisses de mort. Arrière donc, vipère à la langue empestée, Amertume égoïste et vile, pour jamais Retourne au gouffre noir qui t’avait enfantée ! Moi, je veux vivre, aimer et sentir désormais Tout ce que peut souffrir une âme généreuse, Qui demande au devoir le secret d’être heureuse. III
Dans les champs reverdis passe un air pur et doux, Une blanche vapeur estompe la vallée ; Toute ligne s’efface aux horizons plus mous, La nature aujourd’hui de tendresse est voilée. Adieu sombre chagrin, tristesse aux pleurs jaloux, De votre étreinte encor je suis tout ébranlée. Âpres poisons du cœur, bien loin enfuyez-vous, Laissez venir la paix à mon âme troublée. Je n’ai que trop senti vos aiguillons maudits, Et je veux maintenant que tout ce que je dis Soit trempé de douceur et de mélancolie, Comme aujourd’hui l’on voit la lumière affaiblie, Glisser avec langueur jusqu’aux prés odorants Et changer l’ombre humide en rayons transparents. Septembre 18...
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