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I-PAYSAGE
II-L'ADIEU III-LE MENSONGE IV-LA LETTRE V-L'HEURE VI-ÉTOILES VII-L'IMAGE VIII-LUNE D'HIVER IX-LES VIOLETTES
I PAYSAGE À l'abri de l'hiver qui jetait vaguement Sa clameur, dans la chambre étroite et bien fermée Où mourait un bouquet fait de ta fleur aimée, Parmi les visions de l'étourdissement ; Pendant qu'avec la joie extrême d'un amant Je froissais d'un cœur las et d'une main pâmée L'étoffe frémissante et la chair embaumée, Mon sang montait plus lourd à chaque battement. J'avais le souvenir d'un ancien paysage : Je revoyais, le front penché sur ton visage, La source pure et claire au milieu des roseaux ; Et, dans l'ombre où veillait la lampe en porcelaine, S'ouvraient à la chaleur tiède de mon haleine Tes froids regards, pareils aux larges fleurs des eaux.
II L'ADIEU Quand elle part, sa grâce invente des retours Charmants, un gant laissé, la fenêtre mal close ; « Elle avait oublié de dire quelque chose... » C'est toujours puéril et c'est exquis toujours. La dernière caresse a fait ses bras plus lourds, Et je baise sa lèvre où brûle le sang rose. Tout mon bonheur se lit aux lignes de sa pose ; Je me perds dans la nuit de ses yeux de velours. Elle viendra demain dans un frisson de soie ; Et pourtant je ne sais, je tremble de ma joie : C'est que j'ai toujours eu le souci des adieux. Pendant que son humeur ne m'était point farouche, J'aurais dû retenir le souffle de sa bouche Et la lumière bleue et douce de ses yeux.
III LE MENSONGE Le bonheur qui me dit des paroles tout bas Prend au son de ta voix ses grâces endormantes ; Afin d’avoir ma part de minutes clémentes Je veux la chaîne souple et blanche de tes bras. Je veux ta chevelure et le bruit de tes pas, Et ton souffle léger comme l'odeur des menthes. J'ai besoin de trouver les étoiles charmantes ; Que me serait leur ciel si je ne t'aimais pas ? À ton tour aime-moi : rêve aussi ce doux songe ; Ou, si tu ne peux pas, donne-m'en le mensonge : Je sais croire, et je puis être heureux de ma foi ! Demeure haut, ainsi que mon cœur t'a placée, Et souffre que l'espoir apaise ma pensée Lors même que ton âme émanerait de moi.
IV LA LETTRE Chère épave d'amour ! Se peut-il qu'on oublie ! Oh ! ne laissez jamais le doux être adoré, Pleurant et souriant, dire : « Je reviendrai. » Ceux-là qui s'étaient joints, l'absence les délie. Petite lettre écrite avec mélancolie Un jour qu'elle était lasse et qu'elle avait pleuré ! Avril a ces tons frais de matin diapré : Une ombre de tristesse, un rayon de folie. Petite lettre, frêle et mignonne, qui mens, Merci : tu m'as rendu les caprices charmants Qu'avait sa voix de blonde et de Parisienne. Je ferme le papier que le temps a jauni Comme on laisse à regret, lorsque l'air est fini, Un feuillet retrouvé de musique ancienne.
V L'HEURE C'est l'heure : je sais bien qu'elle ne viendra pas, Qu'elle n'a pas noué la furtive dentelle, Et que mon désir vain ne dira pas : c'est elle, Devinant la musique exquise de ses pas. Je sais que les doux mots qu'avait sa voix tout bas Ne sont qu'un souvenir d'une langueur mortelle, Et que j'ai perdu l'aide et la chère tutelle De sa bouche, de ses regards et de ses bras. Ô fantôme ! clémente amertume de l'heure ! Le passé de son aile invisible m'effleure, Et dans l'illusion évoque le réel. La blanche image a pris sa place accoutumée ; Le mot court en riant sur la lèvre embaumée ; Les yeux profonds et clairs s'ouvrent comme le ciel.
VI ÉTOILES Ses yeux, tout un printemps, éclairèrent ma vie. Je marchais ébloui, la tenant par la main. Elle était le rayon, l'étoile du chemin, Et tant qu'elle a brillé sur moi, je l'ai suivie. Ainsi mes jours passaient sans but et sans envie. Puis vint l'été ; ce fut un triste lendemain. Je ne vis plus l'étoile au doux regard humain, Et la sérénité du ciel me fut ravie. Et souvent, dans l'azur profond des soirs d'hiver, Lorsque la lune au front du paysage clair Pose comme un décor sa lueur métallique, Seul, dans l'apaisement des soirs silencieux Suivant l'éclosion lente et mélancolique Des étoiles, j'ai pu reconnaître ses yeux.
VII L'IMAGE Comme la main distraite et qui n'a pas de thème Précis, par la vertu secrète d'un aimant, Décrit, sans y songer et machinalement, Un contour au hasard jeté, toujours le même ; Ainsi va ma pensée, et l'éternel problème De l'amour la ramène à tracer constamment Dans le cadre naïf d'un ovale charmant Un sourire indécis et les chers yeux que j'aime. L'image que poursuit ainsi mon souvenir Est petite, et sa grâce entière peut tenir Aux marges d'un sonnet : un rêve, une hirondelle ! À peine elle a posé légère sur mon cœur... J'indique des traits fins, mais, dans un frisson d'aile, L'oiseau frêle m'échappe avec un cri moqueur.
VIII LUNE D'HIVER À travers le réseau des branches que l'hiver Trace avec la vigueur des dessins à la plume, La lune, comme un feu qui dans le ciel s'allume, Montait, luisant au bord du bois couleur de fer. Tu manquais à mon bras, mignonne ; et ton pied cher À qui marcher fait mal et qui n'a pas coutume D'aller loin, sur la bande étroite du bitume Ne faisait pas crier le sable fin et clair. Pourtant lent et distrait, sous cette grande allée Où le bruit de mes pas fait partir la volée Des rêves vers le sourd abîme de l'azur, Je crus qu'auprès de moi palpitait quelque chose : Et, me tournant pour voir rire ta bouche rose, Je vis mon ombre longue et triste sur le mur.
IX LES VIOLETTES Une habitude longue et douce lui faisait Aimer pendant l'hiver les violettes blanches ; À l'agrafe du châle un peu court sur les hanches Son doigt fin, sentant bon comme elles, les posait. Un jour que le soleil piquant et clair grisait Les moineaux francs criant par terre et dans les branches, Elle me proposa d'aller tous les dimanches Cueillir avec l'amour la fleur qui lui plaisait. À présent, ce bouquet est tout ce que j'ai d'elle ; Mais j'y trouve toujours, pénétrant et fidèle, Un vivace parfum émané de son cœur. Tel le verre vidé qu'un souvenir colore : Le regret du buveur pensif l'embaume encore Et la lèvre y croit boire un reste de liqueur. |
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