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Non ! Ce n’est pas toujours le vent
Qui fait bouger l’herbe ou la feuille, Et quand le zéphyr se recueille, Plus d’un épi tremble souvent. Soufflant le parfum qu’elle couve, Suant le poison sécrété, La fleur bâille à la volupté, Et dit le désir qu’elle éprouve. Certaines donnent le vertige Par le monstrueux de leur air, Engloutissent, pompent la chair, Sont des gueules sur une tige. L’eau rampe comme le nuage Ou se darde comme l’éclair, Faisant triste ou gai, terne ou clair Sa rumeur ou son babillage. Sans tous les jeux de la lumière, Sans les ombres et les reflets, Les rochers gris et violets Se posturent à leur manière. Tel pleure dans sa somnolence, Un autre, sec comme le bois, Aura cette espèce de voix Qui fait marmonner le silence. L’âme parcourt comme la sève Les objets les plus abîmés Dans la mort, — ils sont animés Pour tous les organes du rêve : Pour ceux-ci, l’exigu, l’énorme Existent par le frôlement, La couleur, le bruissement, Par la senteur et par la forme. Nous pensons que les choses vivent… C’est pourquoi nous les redoutons. Il est des soirs où nous sentons Qu’elles nous parlent et nous suivent. Par elles les temps nous reviennent, Elles retracent l’effacé, Et racontent l’obscur passé Comme des vieux qui se souviennent. Elles dégagent pour notre âme Du soupçon ou de la pitié, Paix, antipathie, amitié, Du contentement ou du blâme. À nos peines, à nos délices, Participant à leur façon, Suivant nos actes, elles sont Des ennemis ou des complices. Chacune, simple ou nuancée, Émet de sa construction Une signification Qui s’inflige à notre pensée. Plus d’une, à force de confire En tête à tête avec le deuil Prend la figure du cercueil Et de la Mort pour ainsi dire. Comme une autre, usuel témoin D’une allégresse coutumière, Met du rire et de la lumière, De l’hilarité dans son coin. Les saules pleureurs se roidissent Dans l’éplorement infini, La branche d’orme vous bénit, Les bras des vieux chênes maudissent. L’une a l’allure prophétesse, Une autre exprime du tourment ; Toutes rendent le sentiment De la joie ou de la tristesse. Celle-là que maigrit, allonge, La crépusculaire vapeur, Revêt le hideux de la peur Et le fantastique du songe. L’assassin voit la nue en marbre S’ensanglanter sur son chemin, Et la hache grince à la main Qui lui fait massacrer un arbre. Souvent, l’aube lancine et froisse Le remords avec sa fraîcheur, Et la neige avec sa blancheur Épand des ténèbres d’angoisse. Si par son aspect telle chose Toutes les fois ne nous dit rien, À chaque rencontre d’où vient Que notre œil l’évite ou s’y pose ?... Hélas ! pour combien d’entre celles Qui sont barbares par destin, L’homme n’a qu’un but qu’il atteint : Les rendre encore plus cruelles ! Que ce sentiment vienne d’elles Ou leur soit supposé par nous, On leur trouve un semblant jaloux Quand nous leur sommes infidèles. On le sent : comme à l’innocence On leur doit pudeur et respect, Et l’on offense leur aspect Par la débauche et la licence. L’âme habite bloc et poussière : Toute forme d’inanimé. Son frisson y bat renfermé Comme le cœur de la matière. Et, de leur air doux ou farouche, Indifférent ou curieux, Semblant nous regarder sans yeux, Et nous interpeller sans bouche, Comme nous, ces sœurs en mystère, En horreur, en fatalité, Reflètent pour l’éternité L’ennui du ciel et de la terre. |
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