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René DESJOLLES, La Princesse, l'Oiseau et autres Vertébrés sensibles
Mélanges,1980-1982


Jadis et loin d’ici — c’est ce que dit la fable —
Vivait une princesse au doux tempérament,
Charmante en vérité, propre, en tout point aimable,
Sauf que sur le devant lui manquait une dent.
Elle allait toujours seule et n’ouvrait pas la bouche,
Ou bien pour s’exprimer se servait de ses yeux.
On la croyait muette, et son regard farouche
Attirait sans arrêt les touristes curieux.
Car il était connu dans tout le voisinage,
Ce regard qui parlait mieux qu’un bon orateur.
Ulysse avait naguère entrepris le voyage
Pour l’entendre causer, et c’était très flatteur.
On venait de partout, en cheval d’Argentine,
De Tobrouk en taxi, piéton de Calcutta ;
Même le grand Polo, dit Marco-va-t-en-Chine,
Fit vingt fois le détour et s’en félicita.

***

Discrète cependant comme une jeune carpe,
La princesse attendait quelque chose. Mais quoi ?
Qu’un poil vînt à lui croître au creux du métacarpe ?
On lui disait : « Hein ? Hein ? » Elle se tenait coi.
Un Sphinx. On ne savait quelle était sa famille ;
Pourtant elle avait bien des aïeux, des parents.
Qui donc pouvait avoir engendré cette fille ?
Sa mère était la pluie, son père le beau temps.
Quelquefois des oiseaux se posaient sur sa tête.
Quelquefois quelques-uns nichaient dans ses cheveux.
Quelquefois on voudrait demander au poète
Où c’est-il donc qu’il va chercher tout ça, vingt dieux ?
Passons. Il arrivait souvent que la princesse
Fît de la natation pour noyer ses chagrins,
Et les flots se plaisaient à défaire sa tresse,
Et les vents murmuraient d’indicibles refrains.

***

Un jour, un chevalier vêtu de son armure,
Le casque sur la tête et la lance au poignet,
Arrêta son cheval près d’une source pure.
La princesse était nue dans l’onde, et s’y baignait.
C’était un paladin qui revenait d’Alsace,
Ou bien de Zanzibar, ou bien du Rajasthan,
Un preux, un conquérant, un animal de race
Qui tenait à la fois de l’autruche et du paon.
Car en plus de l’acier, dont les us et coutumes
Voulaient en ce temps-là qu’on fortifiât ses os,
On s’ornait volontiers de cent sortes de plumes,
Et cela signifiait qu’on était un héros.
C’était donc un héros, ce passant solitaire.
Il avait voyagé de saison en saison
Plus de quatre cents fois tout autour de la Terre,
Ne sachant plus très bien où trouver sa maison.

***

La princesse dans l’eau dansait la Carmagnole,
Découvrant des rondeurs dessinées au compas.
De temps en temps, hop-là ! faisant la cabriole,
Elle montrait... Ma foi, ce qu’on ne montre pas.
« Saperfoutremâtin ! s’écria l’homme d’armes.
Que vois-je ? Une sirène ? Ah, c’est bien le moment !
Que n’a-t-elle pris soin d’emmailloter ses charmes ?
Voilà que je succombe irrésistiblement !
Il faut que je l’attrape et qu’elle m’appartienne.
J’ai parcouru le monde et n’ai jamais rien vu
D’aussi bien agencé que cette magicienne.
Si je la laisse fuir, je veux être pendu ! »
Bien vite, il commença de retirer ses guêtres.
Le soleil se couchait sur l’horizon lointain.
La source fredonnait doucement sous les hêtres
La chanson des têtards et du menu fretin.

***

Or, depuis bien longtemps, tapi sur l’autre rive
Tel un faune suspect méditant ses exploits,
Un vieillard à l’œil jaune, à la peau maladive,
Espionnait la princesse et se mordait les doigts.
C’était, si l’on peut dire, un sage à sa manière
Qui hantait la forêt depuis plus de cent ans.
Les morts lui refusaient l’entrée du cimetière.
Il vivait sur la paille à l’écart des vivants.
Un ermite ? En effet. Mais un ermite comme
On n’en fait pas beaucoup. Ranci, mais le sang chaud.
Amer anachorète, et cependant bon homme,
Nourri de mandragore et de jus d’artichaut.
Ce jour-là, regagnant sa tanière secrète,
Il s’était par erreur éloigné du chemin,
Car il marchait souvent la tête un peu distraite
En comptant les verrues qu’il avait sur la main.

***

La princesse roulait dans l’onde malicieuse,
La lune se levait sur les bois ténébreux,
Et la nuit s’annonçait bien douce à la nageuse,
Et cela n’avait rien d’étonnant en ces lieux.
Mais tout à coup, voilà qu’une ombre se dessine !
La princesse étonnée pousse un long cri perçant.
Elle a vu le requin, la chétive sardine,
Et commence à se faire un peu de mauvais sang.
On se penche sur elle, on l’empoigne, on l’enlève,
On l’emporte là-bas. Bientôt, saisie d’horreur,
Elle suffoque ! On la dépose sur la grève
Et, pour la ranimer, on lui masse le cœur !
« Ah ! songe-t-elle alors, voilà qui me rassure. »
Elle entrouvre les yeux, aperçoit un cheval,
Croit deviner plus loin une lance, une armure,
Et, faisant les cent pas, un nouveau Parsifal !

***

Le chevalier marchait, frissonnant en silence.
Ravi d’avoir commis ce superbe attentat,
Il surveillait la belle et se grattait la panse,
Attendant bravement qu’elle ressuscitât.
La rive était déserte et la forêt profonde.
Un hibou quelque part ululait faiblement.
La princesse pensait qu’elle était seule au monde,
Et des souffles glacés tombaient du firmament.
« Avant tout, se dit-elle en étudiant son homme,
Laissons-le s’approcher et n’ayons l’air de rien.
Essayons de savoir ce qu’il veut. Je l’assomme
Avec ce caillou-là s’il ne se tient pas bien.
Mais s’il a de l’esprit et des bonnes manières,
Alors, alors sans doute il faut voir... » Là-dessus,
Elle dresse la tête et, battant des paupières,
Sourit au chevalier qui s’avance confus.

***

« Madame, lui dit-il, je me nomme Zozile.
J’ai fait le tour du monde, à l’endroit, à l’envers,
Et bien sûr chaque fois en quatre-vingt jours pile,
Prenant plus d’un royaume et passant trente mers,
Cherchant sans m’arrêter la beauté souveraine
Qui calme l’appétit et règle les passions.
Je viens de la trouver dans l’eau d’une fontaine,
Au milieu des crapauds et des petits poissons.
Sachez pour la garder que je vendrais mon âme.
C’est dit, je vous marie et nous volons aux cieux.
Comment ? Vous hésitez ? Vous doutez de ma flamme ?
Voyez comme je bave et vous mange des yeux ! »
Ainsi parla Zozile, et la bonne princesse
Trouva qu’à l’écouter on devenait tout doux.
Bientôt, dans la forêt, la brise enchanteresse
Mêla sa fraîche haleine aux soupirs des époux...

***

L’ermite, cependant, s’était remis en route
Et gagnait sa tanière en maudissant le sort.
Les prophètes, les saints et les anges, sans doute,
Faisaient la sourde oreille, et Dieu faisait le mort.
Il atteignit enfin l’entrée de la caverne
Dans laquelle il nichait depuis tant de saisons.
C’était un trou sinistre et noir comme l’Averne
Où grillent les damnés sur des lits de tisons.
Nul ne pouvait savoir où conduisait ce gouffre.
Une étrange rumeur grondait dans le lointain.
La pierre était humide et l’air sentait le soufre.
Mais le vieillard entra, droit comme le destin.
Il frotta sur son crâne une longue allumette.
La caverne s’emplit d’une obscure clarté.
« Heuh ! » fit-il, stupéfait. Sur le sol, une bête
Affreuse sommeillait, couchée sur le côté.

***

Ce n’était pas un bouc, ce n’était pas un âne,
Encore moins un singe, et surtout pas un veau.
Cela tenait plutôt du tryplon collophane
Mâtiné d’eptosaure et de myax antiguo,
Bref, une créature impossible à décrire.
L’ermite la regarde et n’en croit pas ses yeux.
Elle s’éveille enfin, tousse, crache, et s’étire,
Frottant contre le roc ses membres écailleux,
Puis tourne vers le vieux des prunelles vermeilles.
Tous les feux de l’Enfer semblent y pétiller !
Une rouge vapeur jaillit de ses oreilles,
Et l’ermite pantois croit l’entendre parler.
« Ne tremble pas ainsi, dit l’animal immonde.
Je suis un brave diable et ne fais que du bien.
Pour exaucer tes vœux je viens de l’autre monde.
Tu n’as qu’à demander. Je ne refuse rien !

***

Que veux-tu devenir ? Aimes-tu les couronnes ?
Veux-tu que je te fasse empereur du Liban ?
Connétable d’Asie ? Sultan des Amazones ?
Veux-tu régner sur l’Inde et sur l’Afghanistan ?
Parle ! J’obéirai, quoi que tu me commandes.
Si ça te chante, tiens, tu peux finir tes jours
Dans un palais de marbre aux tours larges et grandes,
Au milieu des plaisirs, des femmes, des amours !
Eh bien ? Parle ! J’écoute ! Est-ce que tu préfères
Obliger l’univers à livrer ses secrets ?
Pour mener jusqu’au bout des études austères,
Veux-tu te retirer dans des lieux plus discrets ?
Ordonne et tu verras ! Quoi, tu n’as rien à dire ?
Et si je te faisais revivre fort et beau ? »
L’ermite rassuré jette un éclat de rire
Et dit : « Je voudrais bien devenir un oiseau...

***

— Hein ? Comment ? Un oiseau ? Permets que je rigole !
Fait le monstre infernal dans son vilain sabir.
Tu plaisantes, pas vrai ? Tu te payes ma fiole ?
Réfléchis ! N’as-tu pas quelque mauvais désir
À satisfaire ? Non ? Bah, j’ai peine à le croire.
Devenir un oiseau ? Pourquoi faire ? À quoi bon
Dédaigner le bonheur, la puissance, la gloire,
Volatile emplumé de l’oreille au croupion ?
Comme le rossignol et la bergeronnette
Caqueter nuit et jour en courant la forêt ?
Sans compter qu’un chasseur d’un bon coup d’arbalète
Saura bien, tôt ou tard, t’esquinter le bréchet ?
Idiot ! — Mais, dit l’ermite, il est certaine garce
À qui, pour me venger, je jouerais bien un tour.
Si tu veux, prenons l’air, pour lui faire une farce,
Moi d’un oiseau magique, et toi d’un troubadour. »

***

Le temps passe et, déjà, le chevalier Zozile
Avait de la princesse obtenu douze enfants
Qui naquirent d’un coup, car elle était fertile
Plus que les mouches bleues et que les éléphants.
Onze étaient des garçons de plaisante figure
Qui ressemblaient assez au vaillant chevalier,
Onze petits gaillards qui menaient la vie dure
Aux habitants du nid comme du poulailler.
La douzième, une fille, était toute pâlotte,
Un peu forte des pieds, et privée de cheveux.
Les papillons venaient manger dans sa menotte.
Elle dormait debout, et sans fermer les yeux.
On la grondait souvent, on la battait sans cesse,
Et jamais de ses yeux ne coulait aucun pleur.
Cela désespérait sa mère, la princesse,
Et son père eut tôt fait de la prendre en horreur.

***

La marmotte avec ça n’était pas difficile.
Elle passait la nuit au milieu des bestiaux.
« Ces petits monstres-là, vous expliquait Zozile,
C’est la honte, vraiment, des bourgs et des chastiaux. »
Un soir qu’on festoyait autour d’une chandelle,
Le chevalier trônant parmi ses rejetons,
La princesse ravie remplissait l’écuelle,
Versant la bonne soupe et taillant les croûtons.
Elle avait découvert l’adresse d’un dentiste,
Le matin, par hasard, en ouvrant le journal ;
Il vivait au village, et c’était un artiste
Qui faisait repousser les dents sans qu’on eût mal.
La chose était nouvelle et peut-être un peu louche.
La princesse y courut sans se faire prier.
Le fait est qu’il parvint à remeubler sa bouche,
Car il œuvrait vraiment en vrai maître-dentier.

***

Assise sur un sac au bas bout de la table,
La fillette suçait l’arête d’un hareng.
On avait bien voulu qu’elle quittât l’étable,
Ce soir-là, pour fêter la dent de sa maman.
Elle suçait sans bruit, n’osant lever la tête.
Son crâne reflétait la rougeur du foyer.
Chaque mot qu’on disait terrifiait la pauvrette,
Qui devinait toujours qu’on voulait la noyer.
Mais voici que, soudain, quelqu’un frappe à la porte.
On court à la fenêtre, on pousse le volet,
On devine un jeune homme bien fait, une sorte
De trouvère. Au-dessus de sa tête volait
Un oiseau vert et rose aux ailes magnifiques.
« Bonsoir, dit le garçon. Fait-il bien bon là-haut ?
Voulez-vous du plaisir ? J’ai toutes les musiques
Du monde dans ma vielle, et j’ai ce bel oiseau !

***

— Dieu merci, répondit la princesse pensive,
Il ne manquait ici qu’un gentil musicien.
Nous fêtons en famille une belle incisive
Qu’un saint homme m’a fait repousser ce matin.
Montez ! Montez bien vite ou vous prendrez un rhume !
Le chevalier Zozile est mon fidèle époux.
Je crois qu’il pleut ? Montez changer votre costume,
Vous êtes tout trempé. Sus donc ! Dépêchez-vous ! »
La salle était immense et l’atmosphère obscure.
Il y régnait pourtant un air de bamboula.
Quand parut le trouvère à la douce figure,
La princesse lui dit : « Venez vous mettre là,
Près de moi, sur ce banc, dans la chaleur de l’âtre.
Ah ! que j’entende bien le son de votre voix ! »
Il avait des doigts fins et blancs comme l’albâtre !
Ô comme ils étaient blancs et fins, ses jolis doigts...

***

Il chanta la chanson que chantent les sirènes
Quand elles voient venir les beaux navigateurs.
La princesse sentait gargouiller dans ses veines
Un flot d’effervescence aux effets prometteurs.
« Roucoulez, mon ami, roucoulez, disait-elle.
J’en redemande, moi, de la bonne chanson !
Donnez, donnez l’aubade à votre tourterelle !
Encore ! Encore ! Allez, roucoulez, mon garçon ! »
La voilà qui bientôt vire à l’état d’ivresse.
Ça la gagne partout, jusque dans l’estomac.
Elle tire la langue et s’arrache la tresse.
Peut-être qu’elle va tomber dans le coma !
Comme elle n’en peut plus d’anticiper la suite,
Elle monte au grenier, rassemble ses paquets,
Redescend quatre à quatre, attrape une marmite,
Pousse en vrac là-dedans jambons et saupiquets.

***

Les lardons intrigués interrogent leur père.
La fillette enhardie s’esclaffe dans son trou.
On entend s’esclaffer de même le trouvère
Quand la princesse dit, suspendue à son cou :
« Enlevez-moi ! Partons ! Cherchons un doux asile !
Fi de la natation ! Comme j’aime l’amour !
Achevez de souper avec eux, cher Zozile,
Puis pensez à fermer la porte de la cour,
À frotter les carreaux, à laver votre assiette,
À refaire les lits. Lâchez-moi. Je m’en vais,
C’est dit. Ce musicien m’a troué la caillette,
Extraverti la panse, et fendu le feuillet ! »
« Saperfoutregidouille ! En voilà des nouvelles ! »
Songe le chevalier terriblement surpris.
L’oiseau pouffe de rire en se frottant les ailes.
Déjà les deux amants passent le pont-levis.

***

Écoutez ! La forêt profonde et taciturne
Se met à chuchoter des paroles d’effroi !
Quelle angoisse inconnue trouble ainsi l’air nocturne ?
Quel malheur se prépare ? Il fait noir ! Il fait froid !
On entend galoper les bêtes noctambules
Autour de la fontaine, et la princesse dort.
Elle est seule, elle est nue du râble aux clavicules.
Rêve-t-elle ? Écoutez ! Elle ronfle un peu fort,
Puis, soudain, se réveille et tout à coup s’étonne,
Voyant comme elle est mise, à cette heure, en ces lieux.
« Qu’est-ce donc ? se dit-elle à soi-même en personne.
La source où j’aime tant nager ? Ça, c’est curieux.
Que fais-je ici ? Ma foi, j’ai perdu la mémoire !
Ma dent n’a pas bougé ? Non, elle est toujours là.
Comme l’air est glacé ! Comme la nuit est noire !
Ah, que je boirais bien un bol de chocolat ! »

***

Puis la voilà qui pense, et bientôt elle estime
Que tout ça n’est pas clair, que ça sent le complot,
Qu’on l’arnaque, qu’elle est l’innocente victime
D’un stupide farceur ou d’un odieux escroc.
« Ou plutôt, songe-t-elle, autre cas de figure :
Me voici dans les mains d’un vaurien d’enchanteur.
Supposons qu’il s’agisse — oh, je n’en suis pas sûre —
Du Malin déguisé sous les traits d’un chanteur.
Bonne hypothèse. En fait, tout le reste en découle.
Je crois me rappeler... Un soir, à la maison,
On entend quelque part une voix qui roucoule...
D’où sort-elle ? Et que dit sa doucette chanson ?
Je l’ai là dans l’oreille. Oh ! Chose singulière,
Je me rappelle aussi, mais ça c’est moins nouveau,
L’affreuse apparition d’un jaune centenaire
Qui m’espionne souvent quand je roule dans l’eau... »

***

Tandis que s’accomplit cette psychanalyse,
Dans les arbres, là-haut, on se met à glousser.
La princesse aperçoit la silhouette grise
De l’oiseau rose et vert qui vient de se poser.
« Toi, je t’ai déjà vu, c’est certain, lui dit-elle.
Attends, attends un peu... Mais oui, je me souviens !
Oh, zut ! il m’a bien eue ! Hélas... Honte cruelle !
Je dois fuir désormais l’approche des humains.
— Eh bien, je suis vengé, dit l’oiseau bon apôtre.
Que l’aventure au moins vous serve de leçon.
Vous me snobâtes, moi. J’en valais bien un autre. »
La princesse gémit et demande pardon.
« Accordé, lui dit-il. Voulez-vous me permettre,
Après avoir bien ri, de vous dédommager ?
Donnez-moi votre fille. Elle ira chez mon maître.
J’aimerais comme moi qu’elle apprenne à voler. »

***

La fable ne dit pas ce qu’il advint ensuite
Du chevalier Zozile et des onze lardons,
Ni dans quelle contrée la princesse séduite
Cacha son déshonneur en gardant des dindons.
Souvent, la destinée finit par un mystère.
La fillette s’enfuit — comment ? allez savoir ! —
Loin, très loin du château, sur les pas du trouvère,
Son épaule servant à l’oiseau de perchoir.
Elle apprit que le monde est plus grand qu’une étable.
Un soir qu’elle dormait sur le bord du chemin,
Elle crut voir en songe une espèce de diable
Qui ressemblait assez au gentil musicien.
Le décor évoquait un beau livre d’images.
Elle tâtait son crâne et sentait des cheveux.
Un ermite emplumé descendait des nuages,
La prenait sous son aile, et l’emmenait aux cieux.


(Décembre 1982)